C’est parti pour Linky, et pas que pour lui …

C’est plié pour Linky

Le 9 juillet dernier, le sénat discutait en deuxième lecture le projet de loi relatif à la transition énergétique, qui notamment met en place le déploiement des compteurs intelligents. Malgré une mobilisation forte de ceux qui voulaient avoir le choix de ne pas accueillir au sein de leurs foyers ces compteurs et les 3 amendements qui donnaient cette possibilité, les espoirs ont été vite douchés par le gouvernement et les sénateurs qui les ont retoqué.

Étant donné que le projet de loi n’avait pas été voté conforme par le sénat, le texte a été renvoyé en commission spéciale le 22 juillet dernier afin de trouver un compromis. Hélas, en ce qui concerne les compteurs intelligents, il n’y aura aucun amendement déposé qui aurait donné la possibilité de les refuser.

Seul lot de consolation, la question des données personnelles avec la possibilité de refuser la communication des données de comptage au fournisseur d’énergie en ce qui concerne le compteur de gaz, concernant l’électricité, cette disposition existait déjà.

Les discutions qui s’en suivirent le jour-même à l’Assemblée nationale n’ont pas changé la donne et le déploiement systématique de ces compteurs va être confirmé implicitement. En plus de cette mauvaise nouvelle, une autre, assez intrigante, est sortie quasi au même moment, la nomination d’un député, président du conseil économique de l’Assemblée nationale, à la tête d’une filiale d’EDF.

Et un parachutage !

C’est donc au même moment du vote de la loi sur la transition énergétique qu’on apprenait le parachutage de Jean-François Brottes à la tête de la filiale RTE du fournisseur d’énergie historique, celle-la même qui gère le réseau public de transport d’électricité haute tension en France métropolitaine.

D’après le Point, le poste de Dominique Maillard, PDG de cette filiale était disponible suite à une limite d’âge et ce poste aurait été promis a ce député en cas de succès de la loi sur la transition énergétique par la ministre de l’Écologie, Ségolène Royal.

Pour l’occasion sa page Wikipédia a semble-t-il fait l’objet d’un petit « lifting » avantageux, mais certains internautes n’ont pas vu ça d’un très bon œil et ils ont fait le ménage. En même temps quand on voit ses revenues qui pourraient passer de 156 000 à près de 400 000€, faut faire les choses bien.

Là où ça se corse, c’est que dans le cadre de son mandat de député et de président de la commission économique, il a été amené à se prononcer sur différentes lois qui touchent à l’énergie, ce qui pourrait poser la question du conflit d’intérêts. Techniquement il n’y en aurait pas puisqu’un parlementaire est libre de faire ce qu’il veut en dehors de cette fonction, ce qui n’aurait pas été le cas si ça avait été un haut fonctionnaire.

Sur le sujet, Libération avait réalisé une enquête exclusive sur les « accointances de certains députés » avec les grandes entreprises du secteur de l’énergie, dans celui-ci, François Brottes avait été décrit comme appartenant aux « défenseurs acharnés du nucléaire » même si ce dernier s’en défendait.

Avec ce tour de passe-passe entre l’Assemblée nationale et le privé, les soupçons se renforcent naturellement, mais ce que je ne savais pas c’est que certains députés avaient déjà été identifiés comme « apparentés EDF » en 2013 dans un rapport assez accablant de Green Peace.

Business, conseil et conflit d’intérêts ?

En parlant de rapport, il y en a d’autres qui posent question pas tant sur le fond, mais plutôt sur la forme, ceux de la société de services Capgemini Consulting qui a fait des audits sur le coût du déploiement des compteurs intelligent en 2007 et en 2011 (non-disponible). Ils ont été remis à la Commission de Régulation de l’Énergie qui a ensuite délibéré sur le sujet le 2 juillet 2014.

Dans ses rapports, cette société d’audit française va avoir des conclusions assez rassurantes quant à une gabegie possible, « l’infrastructure de comptage avancé s’autofinance, grâce à l’optimisation du fonctionnement et des coûts sur l’ensemble de la chaîne du marché de l’électricité ».

Ce qui est étonnant c’est qu’en parallèle un autre audit a été fait par le Cabinet d’audit Ernst & Young mais celui-ci pour le marché allemand et il va prendre à contre-pied cette conclusion optimiste, ce type de compteur ne servirait pas l’intérêt des consommateurs et sur cette base l’Allemagne rejettera le déploiement systématique des compteurs intelligents.

À la limite, comme le marché de l’énergie allemand et français est différent, ça pourrait se comprendre, mais ce qui renforce ce questionnement, c’est qu’en plus de faire du consulting, Capgemini via sa société mère mais aussi via Sogéti fait de la prestation de services pour EDF, ses filiales et aussi directement pour le projet Linky.

Il suffit de se balader sur les réseaux sociaux professionnels pour trouver des dizaines de profils qui travaillent pour ERDF, que ça soit pour Capgemini ou pour sa filiale Sogéti et même certains qui travaillent directement pour linky comme ce profil. Et encore c’est seulement ceux qui ont alimenté leurs parcours et qui sont accessibles, au final on peut se demander combien de prestataires de cette société et de ses filiales travaillent effectivement dans la nébuleuse EDF.

On peut aussi constater qu’entre la SSII et EDF de gros contrats ont été passés, on pourra citer par exemple qu’en juillet 2009 Capgemini France SAS a été choisi pour l’accompagner dans la modernisation des applications de maintenance de son parc nucléaire. En 2011, c’est un contrat de 120 millions entre la filiale Capgemini UK et EDF Energy portant sur une infogérance de trois ans au Royaume-Uni qui a été renouvelé en 2014.

De plus, la capacité de nuisance d’EDF par rapport a ces sociétés de services est énorme, elle a quasiment le droit de vie ou de mort sur certaines d’entre elles. En effet il existe un système de référencement dans le domaine de la prestation, si vous êtes référencé vous pouvez postuler pour les appels d’offres, si vous ne l’êtes pas, le mieux que vous puissiez faire c’est de la sous-traitance avec celles qui sont référencées.

Du coup, il est facile de comprendre que Capgemini, reconnue comme leader des « utilities » en 2015, est partie prenante dans cette histoire de compteurs intelligents. D’un coté, elle fait des rapports technico-économiques via sa filiale consulting qui servent de base pour évaluer la viabilité du projet, de l’autre elle place des prestataires et obtient des infogérances pour des millions d’euros et pour ne pas arranger les choses, elle a l’épée de Damoclés du déréférencement au-dessus de sa tête.

En conclusion, il ne faut pas être devin pour comprendre qu’il y a une probabilité non-nulle que cette histoire de Linky se termine en scandale politico-financier et peut être en bonus, sanitaire. Je n’ai fait qu’effleurer le sujet mais je suis persuadé qu’en creusant un peu plus, on pourrait découvrir des choses croustillantes. Personnellement je vais sortir le pop-corn et attendre que tout ce petit monde s’en prennent plein la tête, enfin sous-entendu que la justice commence à faire son boulot, et là rien n’est moins sûr. Dans tous les cas, vérifiez bien la ligne « Contribution Tarifaire d’Acheminement » sur votre facture d’électricité, si elle augmente fortement, vous saurez pourquoi et pour qui.

@+ Jay

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