Entre le projet de loi sur la transition énergétique et celui pour la Croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, ou loi Macron, le gouvernement n’en finit pas d’instaurer « le progrès » à marche forcé. Après la mise en place des modalités de l’installation des compteurs connectés Linky par décret, après avoir commencé à détricoter la loi Abeille afin de la rendre plus souple pour les opérateurs télécoms, voici que plusieurs articles vont imposer que les zones blanches soient résorbées d’ici 2016 et qu’Orange n’ait plus l’obligation de maintenir les cabines téléphoniques. Pour la majeure partie de la population c’est peut être une avancée mais pour ceux dont la technologie sans-fil est un problème, ça risque de compliquer encore plus leurs vies qui n’étaient déjà pas si simple.
Jusqu’à maintenant, le code des postes et des communications via l’article L 35-1 imposait à France télécom, devenu Orange entre-temps, de mettre à disposition des cabines téléphoniques dans l’espace public. Dans le cadre de ce service universel, 40000 cabines étaient exploitées pour un coût fixé par l’ARCEP à 13,4 millions d’euros. Mais depuis un certain temps ces cabines sont délaissées en faveur du téléphone portable, le chiffre d’affaires de ce service public n’a cessé de s’effondrer, en 2000, il s’élevait à 516 millions d’euros, en 2007 à 124 millions d’euros pour finir à 12 millions pour l’année 2014. Cette baisse de rentabilité, ajoutée à la concurrence assez féroce depuis l’arrivée de Free dans le marché de la téléphonie mobile ont dû précipiter les choses. Afin de délester la société Orange de cette charge, le gouvernement a déposé l’amendement 1761 qui a été adopté au Sénat le 16 avril 2015 et met un terme à cette obligation afin que la société Orange puisse se recentrer sur les investissements dans les infrastructures de la téléphonie mobile.
La contre partie de cette disposition, c’est la fin des zones blanches, tout du moins dans les centres-bourgs qui ne sont pas desservis encore par la téléphonie mobile. Il y avait déjà eu un plan pour résorber ces zones blanches, mais a priori les opérateurs ont vite déserté ce programme, sûrement lié au peu de rentabilité de ces zones. Pour relancer le mouvement et mettre fin à cette fracture numérique, le même amendement qui condamnait les cabines téléphoniques, imposera donc aux opérateurs de se coordonner afin d’étendre la couverture de type 2G/GSM d’ici la fin 2016 et avant la fin 2017 en ce qui concerne la 3G/UMTS ou la 4G/LTE. Dans un premier temps, une nouvelle liste de zone blanche devra être définie dans les trois mois de la promulgation de cette loi et à terme, le but affiché est de « couvrir les centres-bourgs de 170 communes en 2G et de 2 600 communes en 3G ou 4G ».
Ces dispositions seront peut-être une aubaine pour une majorité de la population qui est coupé du monde du point de vue des nouvelles technologies, mais pour une minorité qui ne supporte plus les technologies sans-fil, il y a un risque fort d’ostracisation. Pour certains, les cabines téléphoniques étaient leur seul lien social mais maintenant avec la réduction de ces zones blanches, il faudra ajouter le risque que leur lieu de vie devienne invivable et doivent se remettre en quête d’un nouvel endroit adapté à leur pathologie. C’est dans l’optique de préserver ces zones blanches que le Sénateur Jean Desessard a déposé l’amendement 455 afin de retirer l’article 33 septie D qui supprime ces zones non-couvertes. Le ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique, Emmanuel Macron, a bien connaissance de cette problématique « qu’il faut considérer avec sérieux et ne pas négliger » et que nous « devons veiller à la traiter sur le plan de la santé publique ».
Sauf que lors des discussions de la loi Santé, le sujet de l’électrosensibilité a été esquivé, les zones blanches ont bien été évoquées mais, là encore, l’amendement défendant la mise en place d’une zone d’expérimentation a été rejeté. L’amendement du Sénateur Desessard ne fera pas long feu lui non plus, c’est même le Sénateur lui-même qui va retirer son amendement. Le Sénateur Dominique Estrosi Sassone indiquera pendant les discussions qu’il y a « 2,3 % de la surface du territoire métropolitain, soit environ 12 600 kilomètres carrés, n’est pas couverte par un seul opérateur » d’après le rapport du Sénateur Hervé Maurey consacré à l’aménagement numérique des territoires. Encore faudrait-il savoir si ces espaces non couverts sont adaptés pour abriter des personnes dans de bonne condition, ce qui à mon avis, est très peu probable et si d’aventure d’autres plans anti-zones-blanches seraient mis en place, ça remettrait une nouvelle fois tout en cause, une vraie histoire sans fin.
Pour illustrer cette question, le projet Durbon à Saint Julien en Beauchêne dans le Buëch en est un bon exemple. L’association une terre pour les EHS aidé par la Député Européenne Michele Rivasi avait comme projet de transformer un ancien centre de vacances de la CAF en zone blanche pouvant accueillir les électrosensibles. Cette zone était propice à ce projet car elle était peu exposée mais Bouygues Télecoms a mis en fonction des antennes-relais et les élus locaux ont depuis été renouvelés et n’ont plus l’intention de supporter le projet, voir ça serait même l’inverse car ils sont en discutions avec « les opérateurs de téléphonie mobile pour obtenir un accroissement du niveau du signal émis ». Cela met bien exergue les difficultés de ce type de projet car tant qu’il n’y aura pas de législation qui crée une zone d’exclusion de téléphonie mobile définitive, il n’y aura aucune garantie que la zone blanche reste réellement blanche. Personnellement, j’ai un peu l’impression que les gouvernements successifs tentent de se refiler la patate chaude car la prise en compte de ce problème de santé publique risque d’engendrer une situation explosive pour tous ceux qui ont fermé les yeux sur la question de la dangerosité des ondes électromagnétiques.
@+ Jay
Dossier législatif : Projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques
compte-rendu analystique:16 avril 2015
Nextinpact.com : Le démantèlement des cabines téléphoniques avalisé par le Sénat
Nextinpact.com : Le Sénat prépare la 2G dans toutes les communes pour fin 2016
Autre phénomène qui prend de l’envergure, la mise en place de hotspot WIFI un peu partout, dans les TGV, les parcs, etc … Une petite citation de Dalladier qui s’applique bien dans le cas des chroniqueurs de la Quotidienne : « Ah les cons ! S’ils savaient ! »