Le détricotage de la loi Abeille a commencé

Il n’aura pas fallu attendre longtemps avant que la proposition de loi relative à la sobriété, la transparence, l’information et la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques commence à être démantelée comme il se doit. La première tentative de rabotage a été entreprise par le Sénat lors de la discussion du Projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ou aussi désignée par loi Macron. Encore une fois les sénateurs et le gouvernement ont montré qu’ils agissaient pour l’intérêt général et en connaissance de cause, enfin pas toujours …

Credit photo : Romain Vincens

Credit photo : Romain Vincens

Le premier article à faire les frais, c’est le L 34-9-1(G) du code des postes et des télécommunication concernant les points atypiques, c’est-à-dire les lieux ou l’exposition est plus élevée que la moyenne. Souvent, c’est dû à une mauvaise configuration dans la disposition des antennes-relais, le croisement de plusieurs faisceaux primaires ou encore l’architecture qui peut avoir une influence sur la propagation des ondes. Cet article est celui qui doit poser le plus de problèmes aux opérateurs, car il les oblige à modifier leurs infrastructures afin de réduire l’exposition aux ondes malgré les normes assez souples dans ce domaine. Plus l’infrastructure est modifiée et plus ça coûte cher et ne parlons pas dans le cas ou une antenne doit être déplacée ou même pire, un nouvel équipement soit nécessaire. Pourtant, on est en pleine hypocrisie, on se soucie des effets des ondes issues du téléphone portable dans le cas d’un usage intensif (30 min/jour) et par contre une antenne qui génère une exposition 3 voir 4 fois plus importante qu’un portable toute la journée dans une habitation, ça ne pose aucun problème.

Le gouvernement, pour le coup, a été fidèle à lui-même et s’est positionné comme à l’époque où il avait renvoyé la première proposition de loi en commission des affaires économiques et le groupe Europe Écologie Les Verts avait dû utiliser sa niche parlementaire une deuxième fois pour réintroduire un projet de loi dans le domaine des ondes, et encore, il avait été beaucoup plus light que le premier texte et surtout servait à amadouer les écologistes dans un contexte de fronde au sein de l’Assemblée nationale. Au Sénat, ça a été folklo aussi, le texte avait semble-t-il fait les frais d’un enterrement camouflé, sauvé in extremis par le gouvernement et durant les commissions et les discutions certains sénateurs se sont bien défoulés comme le Sénateur Bruno Sido qui avait déclaré pendant les discussions générales qu’il s’agissait d’un « texte idéologique », et qu’il était « à charge ». Autant dire qu’il ne portait pas le texte en son cœur et il doit avoir la dent dure car il a déposé des amendements qui modifient l’article sur les points atypiques de la loi Abeille mais aussi sur l’encadrement des publicités pour les portables dans le cadre du projet de loi Macron.

Tout comme les points atypiques, il existe aussi des amendements atypiques, ceux qui se télescopent et dont il y a quelques doutes quant à leurs provenances. En l’occurrence, l’amendement 1501 déposé par le gouvernement et le 331 déposé par le Sénateur Bruno Sido qui visent à modifier les critères qui définissent ces points atypiques, et bien sûr, ce n’est pas pour les durcir. Maintenant, ce n’est plus uniquement les valeurs d’exposition qui compte, mais aussi les lieux « destinés à un usage impliquant une présence prolongée du public dans lesquels le niveau » est plus élevé, petite subtilité, mais qui diminuera le nombre de point atypique. En plus du critère de la présence prolongée du public, un autre paramètre est intégré à la définition du point atypique, la paramètre technique. Alors je vous avouerais que je n’arrive pas à saisir la subtilité, est-ce que ça rejoint la faisabilité technique ? J’ai pourtant cherché toute une après-midi dans le rapport de l’ANSES et je ne vois aucune recommandation qui s’approche de cette disposition. Pour finir sur cet amendement, la révision de la définition de ces points atypiques ne sera plus fondée sur les résultats des mesures qui sont communiqués à l’Agence des Fréquences (ANFR), autant dire qu’il y a un risque que ça soit arbitraire …

Quant à Bruno Sido, il a poussé plus loin en spécifiant les « lieux où des populations séjournent pour des périodes longues et régulières dans le temps, et où il est techniquement possible, pour un coût économiquement acceptable, de réduire le niveau d’exposition tout en maintenant la couverture et la qualité des services rendus », outre les similitudes, les critères d’exclusions sont plus drastiques, faisabilité technique et surtout le coût financiers « acceptable ». Autre partie de son amendement concerne le temps pour mettre en place les modalités techniques pour traité les points atypiques : « L’agence demande aux bénéficiaires des accords ou avis mentionnés au cinquième alinéa du I de l’article L. 43 impliqués de mettre en œuvre, dans un délai de douze mois, les dispositions techniques permettant de réduire, au point atypique, le niveau d’exposition du public aux champs électromagnétiques. » À l’heure actuelle, c’est 6 mois, mais a priori, ça devait être trop court pour certains, une tentative de coup de pouce pour les opérateurs en somme, mais cet amendement a été retiré à la faveur de celui du gouvernement qui devait être suffisant.

Les points atypiques avant l’amendement 1501 :

G.-Les points atypiques sont définis comme les lieux où le niveau d’exposition du public aux champs électromagnétiques dépasse substantiellement celui généralement observé à l’échelle nationale, conformément aux critères déterminés par l’Agence nationale des fréquences et révisés régulièrement en fonction des résultats des mesures qui lui sont communiqués. Lien

Les points atypiques après l’amendement 1501 :

G.-Les points atypiques sont définis comme les lieux destinés à un usage impliquant une présence prolongée du public dans lesquels le niveau d’exposition du public aux champs électromagnétiques dépasse substantiellement celui généralement observé à l’échelle nationale, conformément aux critères, y compris technique, déterminés par l’Agence nationale des fréquences et révisés régulièrement en fonction des résultats des mesures qui lui sont communiqués.

LOI_macron_SENAT_amdt_1501

LOI_macron_SENAT_amdt_332

Autre amendement de notre cher sénateur Bruno Sido, le n°333, qui lui a bien été adopté et là encore ça ressemble à un cadeau à nos amis opérateurs télécoms mais aussi aux vendeurs de téléphone portable et qui concerne la publicité. Alors pour ceux qui ne le savent pas, plusieurs études épidémiologiques auraient démontré un risque accru de développer des tumeurs au cerveau pour les utilisateurs intensifs. Donc de faire des réclames montrant un portable rivé à la tête n’était pas forcément le bon exemple à suivre. La loi Abeille a prohibé l’usage du portable sans kit oreillette et à l’heure actuelle, ce type de publicité est punissable d’un amendement de 75 000€, mais avec cet amendement, il suffit juste que le kit oreillette figure durant la publicité sans forcément l’utilisé et ça suffit pour échapper à l’amende. De plus cet amendement exclut toutes les publicités ne faisant pas la promotion directe d’un portable, donc la vente de forfait téléphonique est-elle considérée comme la promotion directe d’un téléphone portable ? Et le pire dans tous ça, c’est que ce Sénateur n’a même pas l’air de savoir ce que contient son amendement. Quand le Sénateur Jean Desessard demande des informations sur l’article qui sera abrogé, Bruno Sido ne semble pas connaître la réponse et botte en touche, c’est quand même étrange …

Même si ces amendements ont été intégrés dans la loi Macron, il reste néanmoins un espoir que le texte soit modifié après son retour à l’Assemblée nationale mais pour l’instant les travaux parlementaires sont en stand-by à cause des vacances parlementaires. À Moins que le gouvernement fasse le forcing pour que ce projet de loi soit adopté conforme et ne repasse plus ainsi par la case Sénat avant d’être promulgué. Il faudrait que les écologistes aient un peu plus de courage que pendant le vote de l’article sur la suppression des zones blanches avant 2017 qui a fait l’objet d’un amendement écolo afin de supprimer l’article en question, mais a été retiré après les discussions. Cette suppression des zones blanches va encore compliquer la tâche pour les personnes qui sont intolérantes aux ondes et qui ne trouvent pas de réponses adaptées à leur pathologie et dont la principale préoccupation est de trouver un lieu de vie adapté. Le pire c’est que le gouvernement est au courant du problème comme le reconnaît le Ministre Emmanuel Macron, mais pour l’instant aucune solution n’est proposée, il aurait pu au moins faire l’effort de mettre en place une zone d’exclusion.

Avant l’amendement 333 :

« Art. L. 5232-1-1.-Toute publicité, quel que soit son moyen ou son support, ayant pour but la promotion de l’usage d’un téléphone mobile pour des communications vocales mentionne de manière claire, visible et lisible l’usage recommandé d’un dispositif permettant de limiter l’exposition de la tête aux émissions radioélectriques émises par l’équipement.
« Le contrevenant est passible d’une amende maximale de 75 000 €.

« Art. L. 5232-1-2.-Est interdite toute publicité, quel que soit son moyen ou son support, ayant pour but la promotion de l’usage d’un téléphone mobile sans accessoire permettant de limiter l’exposition de la tête aux champs électromagnétiques émis par l’équipement. Le contrevenant est passible d’une amende maximale de 75 000 €. Lien

Après l’amendement 333 :

« Art. L. 5232-1-1.-Toute publicité, quel que soit son moyen ou son support, ayant pour but la promotion direct d’un téléphone mobile pour des communications vocales mentionne de manière claire, visible et lisible l’usage recommandé d’un dispositif permettant de limiter l’exposition de la tête aux émissions radioélectriques émises par l’équipement. L’accessoire permettant de limiter l’exposition de la tête aux champs électromagnétiques émis par l’équipement doit également figurer sur cette publicité. » ;
« Le contrevenant est passible d’une amende maximale de 75 000 €.

LOI_macron_SENAT_amdt_333

@+ Jay

Projet de loi : Croissance, activité et égalité des chances économiques
Compte rendu : 15/04/2015| 16/04/2015 | 17/04/2015

Mme la présidente. – Amendement n°1501, présenté par le Gouvernement.

[..]

M. Emmanuel Macron, ministre. – Cet amendement clarifie la définition des points atypiques en permettant à l’Agence nationale des fréquences de fixer l’ensemble des critères d’identification des lieux concernés. La rédaction proposée s’appuie notamment sur celle retenue à l’article R. 571-27 du code de l’environnement relatif au bruit.
La définition des points atypiques ne relève ainsi plus du seul critère du niveau d’exposition du public aux champs électromagnétiques conformément à la recommandation de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’environnement, de l’alimentation et du travail (ANSES).
Une marge de manœuvre supplémentaire est confiée à l’ANFR pour établir les critères permettant de recouvrir les situations dans lesquelles une attention particulière doit être accordée aux niveaux d’exposition émis.
Mme Dominique Estrosi Sassone, co-rapporteur. – L’amendement n°332 assouplit la loi Abeille, ce qui ne va pas dans le sens de la protection de populations : avis défavorable à l’amendement n°332.
En quoi le renforcement de l’ANFR participe-t-il à la croissance, à l’activité et à l’égalité des chances économiques ? Sagesse sur l’amendement n°1501 néanmoins.
M. Bruno Sido. – J’accepte de retirer mon amendement au profit de celui du gouvernement.

L’amendement n°332 est retiré.

M. Daniel Raoul. – L’expression « présence prolongée » dans l’amendement du gouvernement me laisse sur ma faim. J’en comprends l’intérêt, pour les agents de maintenance par exemple, mais je reste sceptique.
Nous avions passé jadis un mois à chercher une définition adéquate des points atypiques, sans succès. Il faudrait mettre les opérateurs en demeure d’avancer sur ce sujet.
Quoi qu’il en soit, les amendements de M. Sido et du gouvernement n’étaient guère éloignés sur le fond. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jean Desessard. – Les points atypiques sont ceux où il y a une surexposition. Le problème réside dans l’expression « présence prolongée ». Présence, soit. Présence rapide, on comprend. Mais présence prolongée ? Nous pouvons dire que nous siégeons de manière prolongée sur la loi Macron ! (Mouvements divers) Mais s’agissant des ondes ?
M. Emmanuel Macron, ministre. – L’absence de public dans ces points ne conduit pas à les qualifier ainsi.
M. Jean Desessard. – Il y a une forte exposition mais il n’y a personne, en somme ?
M. Emmanuel Macron, ministre. – En quelque sorte.

L’amendement n°1501 est adopté et devient un article additionnel.

Mme la présidente. – Amendement n°333, présenté par M. Sido.
Après l’article 33 septies C

[…]

M. Bruno Sido. – Au terme de la discussion parlementaire sur la loi relative à la sobriété, à la transparence, à l’information et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques, il est apparu que les articles L. 5232-1-1 et L. 5232-1-2 du code de la santé publique pouvaient susciter des différences notables d’interprétation. Cet amendement rend l’interprétation plus simple tout en conservant l’esprit de ces dispositions.
Mme Dominique Estrosi Sassone, co-rapporteur. – Cet amendement n’est guère plus clair que la rédaction actuelle. Qu’en pense le gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. – Cet amendement améliore la rédaction du texte : sagesse.
M. Daniel Raoul. – Le kit oreillette diminue d’un facteur 10 à 100 l’exposition aux ondes électromagnétiques ; tout ce qui le promeut est positif.
M. Jean Desessard. – Vous savez où est le diable…(Sourires) Je cherche donc les détails. Faire la promotion de l’oreillette, d’accord, à condition que l’on n’en profite pas pour promouvoir le téléphone mobile auprès des jeunes. Mais le deuxième point de l’amendement n’est pas clair : qu’est-ce que l’article L. 5232-1-2, que vous abrogez ?
M. Bruno Sido. – Voyez le code !
M. Jean Desessard. – Si vous ne pouvez me dire le sens de ce vous abrogez, je ne peux voter à l’aveugle.

L’amendement n°333 est adopté.

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