Après le détricotage, tentative de re-tricotage de la loi Abeille

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Voilà à peine 4 mois que la loi relative à la sobriété électromagnétique a été voté promulguée qu’elle a déjà fait l’objet d’un détricotage dans le cadre du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques en première lecture au Sénat. Le pire, c’est que ceux à l’origine du détricotage sont les mêmes qui l’ont sauvé in-extrémiste au Sénat en la faisant passer à leur Calendrier : Le gouvernement. Un double jeu semble donc s’opérer, après l’avoir sauvé pour avoir les faveurs du groupe écologiste dans un contexte de fronde, ils en profitent maintenant pour faire des ajustements non négligeables avec la participation de certains Sénateurs. Plusieurs parties avaient été modifiées dont notamment le volet sur la publicité et sur les points atypiques dont la définition avait été assouplie. Le projet de loi du ministre Emmanuelle Macron étant de retour en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, les écologistes ont tenté de rétablir les articles d’origines en commission spéciale le 10 juin dernier, avec en plus, une demande de mise en place de zones à rayonnement limité afin d’accueillir des personnes souffrant d’intolérances aux ondes.

Le premier à ouvrir les hostilités est le Député Lionel Tardy qui avec son amendement SPE341 souhaite supprimer l’alinéa H de l’article L. 34-9-1 du code des postes et des télécommunications. Cet article porte sur le dépôt d’un décret concernant les modalités d’application du principe de sobriété en ce qui concerne l’exposition aux ondes vis-à-vis des lieux recueillant des populations vulnérables et la mise en place de la mutualisation des infrastructures des opérateurs dans le cadre de la couverture du réseau cellulaire. Le principal reproche du député sur cet alinéa est son manque de clarté sur sa finalité, surtout que pour lui, une partie de la question de l’exposition des personnes vulnérables est déjà traitée par l’article 5 du décret du 3 mai 2002 relatif à l’exposition du public.

La Député Laurence Abeille avec son sous-amendement SP689 va concéder que la question de la mutualisation a été traitée lors des annonces du Premier ministres lors du Comité interministériel aux ruralités du 13 mars 2015, et qu’il a été déjà traité dans ce projet de loi dans le cadre des accords entre opérateurs sur la fin des zones blanches d’ici 2016 en 2G et 2017 en 3G. En revanche elle souhaite garder toute la partie sur la question des expositions des établissements accueillant les personnes vulnérables, et chose assez rare le député Tardy va accepter ce compromis et l’amendement UMP/ECOLO va être adopté malgré les réserves du gouvernement sur la définition des personnes vulnérables et la redondance avec le décret de 2002.

Art. L. 34-9-1 H. Un décret définit les modalités d’application de l’objectif de sobriété, en ce qui concerne les établissements accueillant des personnes vulnérables, et de rationalisation et de mutualisation des installations lors du déploiement de nouvelles technologies et du développement de la couverture du territoire.

La cible suivante du Député Tardy sera l’article sur les points atypiques, les lieux où l’exposition aux ondes électromagnétiques est supérieure à la moyenne constatée. Jusqu’à présent, les intervenants devaient traiter ces points atypiques dans un délai de 6 mois mais encore une fois ça ne devait pas suffire puisque ce Député a déposé l’amendement SPE342 visant a rallonger ce délai à 12 mois. Comme je l’avais mentionné dans mon article sur le détricotage de la loi Abeille, c’est le genre d’amendement atypique qui curieusement se retrouve de chaque côté du corps législatif puisqu’on retrouve la même requête lors de l’amendement 332 du Sénateur Bruno Sido en 1ère lecture au Sénat, ça doit être les grands esprits qui se rencontrent … Le rapporteur va considérer qu’un délai de six mois étant suffisant et qu’il ne convient pas de revenir dessus, l’amendement sera rejeté.

Vient par la suite l’Amendement SPE682 du président de la commission spéciale, François Brottes qui souhaite d’une part, rétablir l’ancienne définition des points atypiques qui avaient été modifiée au Sénat, d’autre part, ajouter une consultation au Comité national de dialogue, institué par la loi du 29 janvier 2015, en plus de l’ANFR pour définir les niveaux d’expositions anormaux. Le Sénat voulait restreindre ce type d’exposition au seul lieu ou la présence du public est prolongée, ce qui ajoutait une insécurité juridique car en combien de temps il faut pour que la présence du public soit prolongée. La Député Laurence Abeille a d’ailleurs déposé l’amendement SPE277 dans ce sens qui sera retiré au profit de celui du président de la commission. En revanche l’amendement sera rectifié pour écarter la consultation d’un comité, seul la première partie sera adopté, le gouvernement ayant peur d’alourdir la procédure, et donc de ralentir la définition des points atypiques.

Art. L. 34-9-1 G. Les points atypiques sont définis comme les lieux dans lesquels le niveau d’exposition aux champs électromagnétiques dépasse substantiellement celui généralement observé à l’échelle nationale, conformément aux critères, y compris techniques, déterminés par l’Agence nationale des fréquences et révisés régulièrement en fonction des résultats des mesures qui lui sont communiqués.

La question de la publicité concernant les téléphones portables et les bonnes pratiques avait fait l’objet de deux articles, les articles L. 5232-1-1 et L. 5232-1-2 du code de la santé. Le Sénat a concaténé les deux articles pour les réunir dans l’article 5232-1-1 et a fait des modifications mineures mais dont l’une d’elles est assez pernicieuse puisque l’article sur l’affichage de la recommandation d’un kit main-libre et sa présence dans la publicité ne concerne uniquement celles faisant la promotion direct d’un téléphone portable pour les communications vocales alors qu’avant ça concernait la promotion de l’usage du téléphone. L’amendement SPE278 de la Député Laurence Abeille visait à supprimer les modifications du Sénat mais le rapporteur considère que ça n’a pas d’impact puisque les deux articles se retrouvent en un seul et donc il sera retiré. L’amendement SPE279 de la Député Laurence Abeille a néanmoins rétablit une partie de l’ancienne rédaction et c’est bien les publicités qui font la promotion de l’usage du téléphone qui seront concernées par le message de recommandation et de la figuration du kit main-libre. (erratum)

Art. L. 5232-1-1 Toute publicité, quel que soit son moyen ou son support, ayant pour but la promotion de l’usage d’un téléphone mobile pour des communications vocales mentionne de manière claire, visible et lisible l’usage recommandé d’un dispositif permettant de limiter l’exposition de la tête aux émissions radioélectriques émises par l’équipement. L’accessoire permettant de limiter l’exposition de la tête aux champs électromagnétiques émis par l’équipement doit également figurer sur cette publicité.

Le contrevenant est passible d’une amende maximale de 75 000 €.

Outre le fait que le Député Tardy dans son amendement SPE343 souhaite d’une part supprimer l’article L. 5232-1-2 qui n’existe plus car il avait déjà été abrogé par le Sénat comme je le mentionne plus haut, mais on ne lui en tiendra pas rigueur, il souhaite aussi supprimer l’article L. 5232-1-3 qui concerne la mise à disposition d’un kit main-libre adapté aux enfants de moins de 14 ans par les opérateurs. Il justifie son amendement par le fait qu’il est impossible de fournir ce type d’équipement car la morphologie des enfants est très variable et que c’est aux parents de sensibiliser leurs enfants sur l’utilisation de leur téléphone et pas à l’État. De plus il considère que les opérateurs ne fournissent pas forcément un téléphone avec leurs abonnements. Le rapporteur et le gouvernement étant défavorable à cet amendement notamment à cause de la préconisation de l’agence sanitaire française sur la protection des jeunes populations et la commission va finalement le rejeter.

Art. L. 5232-1-3 A la demande de l’acheteur, pour la vente de tout appareil de téléphonie mobile, l’opérateur fournit un accessoire permettant de limiter l’exposition de la tête aux émissions radioélectriques adapté aux enfants de moins de quatorze ans.

L’amendement SPE281 déposé par le groupe écologiste avait pour but la mise en place de zones à rayonnements électromagnétiques limités dans chaque région, à différencié des zones blanches, mais néanmoins aurait pu être une solution pour les personnes souffrant d’intolérance aux ondes. Cet amendement n’a pas fait consensus que ça soit par le rapporteur Christophe Castaner qui considère que la rédaction est trop large pour être efficace et qu’il y avait un rapport qui devrait être rendu d’ici le courant de l’année. Le gouvernement représenté par le Ministre Emmanuelle Macron ayant à peu de chose près le même avis, pour lui une étude clinique est cours, si c’est l’étude Cochin, elle ne traite que de l’aspect psychologique de la question de la maladie, un bon moyen de repousser l’échéance. La commission va suivre l’avis du ministre et du rapporteur, rejettera l’amendement.

Art. L. 34‑8‑6. – Dans chaque région, l’État, les représentants des collectivités territoriales, les représentants d’associations et les opérateurs de communications électroniques titulaires d’une autorisation d’utilisation de fréquences radioélectriques, définissent des zones à rayonnements électromagnétiques limités permettant l’accueil de personnes électro-hypersensibles. »

Dernier amendement concernant la loi relative à la sobriété des expositions aux ondes, le SPE280 qui a pour but encore une fois de plus, supprimer les modifications du sénat sur l’article L. 34-9-1 du code des postes et des télécommunications électroniques. Il fallait au minimum deux mois entre la remise d’un dossier aux élus locaux suite à une modification d’une antenne-relais, pour les écologistes il était nécessaire de conserver cette rédaction afin de donner aux élus suffisamment de temps pour examiner le dossier et pour éventuellement mener une consultation des habitants. Pour le rapporteur, cet article est une disposition de bon sens qui vise à harmoniser les différents délais prévus en matière d’implantation d’installations radioélectrique par la loi du 9 février 2015, et non une manœuvre dilatoire. Le gouvernement et le rapporteur auront un avis défavorable, la commission rejettera l’amendement.

Art. L. 34-9-1 Toute modification substantielle d’une installation radioélectrique existante nécessitant une nouvelle demande d’accord ou d’avis auprès de l’Agence nationale des fréquences et susceptible d’avoir un impact sur le niveau de champs électromagnétiques émis par celle-ci fait également l’objet d’un dossier d’information remis au maire ou au président de l’intercommunalité au moins deux mois avant le début des travaux.

Finalement le re-tricotage n’aura pas permis de retrouver la loi Abeille comme à son origine, même si les points atypiques ont sauvé les apparences il n’en reste pas moins que leur définition à fait l’objet d’un raccourcissement en ce qui concerne la révision en fonction des résultats remontées du terrain, on peut se demander sur quelle base une exposition sera définie comme anormal ou non, un soupçon d’arbitraire semble se dégager de cette mesure. Surtout qu’elle repose sur une moyenne, sachant que d’après le COMOP « l’exposition moyenne simulée avec l’ajout d’antennes 4G théoriques augmente au sol et en façade, de 50% environ », en conséquence de quoi, la moyenne risque d’augmenter alors que les points atypiques diminueront sur le papier. De plus leurs traitements vont dépendre en grande partie de la faisabilité technique et donc une bonne partie des points atypiques passeront à l’As et une partie de la population, même minime, continuera d’être sur-exposé.

Pour tout le reste, une partie des modifications en première lecture au Sénat ont été conservées, on est donc sur la même tendance de fond concernant la proposition de loi Abeille, réduire sa portée, il faut espérer que d’autres projets de loi ne servent pas d’excuse pour la vider encore plus de sa substance. Toujours dans les mauvaises nouvelles, la question des zones à rayonnements limités a été écarté sous prétexte qu’il y avait un rapport et une étude épidémiologique en cours, à chaque fois c’est la même chose on repousse l’échéance et on laisse les malades à leurs sorts, de toute façon comme ce n’est pas reconnu, ça coûte pas cher à la société en apparence, le seul souci, c’est qu’il ne faut pas se retrouver du coté des « heureux » élus. La seule bonne nouvelle vient du fait que les décrets de la loi Abeille devraient être promulguée durant l’automne, car pour l’instant cette loi est en partie ineffective. Maintenant il faudra attendre la deuxième lecture à l’Assemblée nationale et espérer encore une fois qu’il n’y aura pas de « surprises » .

@+ Jay

Maj 18/05/2015 : Le gouvernement a pour la deuxième fois sortit le 49-3 afin de faire passer sa loi en force sans passer par un vote de l’Assemblée Nationale le 16 juin dernier. Du coup pas de discussion, ni de vote d’amendement, néanmoins certains d’entre eux pourront être intégrés selon le bon vouloir de l’exécutif.

En ce qui concerne la question des ondes et de la loi Abeille, il y a de grandes chances que ça ne change pas grand Chose. Le député Lionel Tardy avait déposé l’amendement 562 pour que les publicités fassent l’objet d’un message d’avertissement et de la présence du kit main-libre uniquement pour celles qui font la promotion direct des téléphones portables, c’est les opérateurs qui vont être déçu …

Le groupe de Laurence Abeille, quant à lui, avait une nouvelle fois déposé l’amendement 1111 pour instaurer des zones à rayonnements limités pour accueillir les personnes souffrant d’intolérance aux ondes, et pour le coup c’est les malades qui seront déçus.

A noter la curiosité des amendements du Député André Chasseigne et de son parti qui en ont déposé un pour chaque article du projet de loi, tout simplement pour les supprimer les un après les autres. Le 49-3 semble être mal digéré par certains 🙂 .

Maintenant, le prochain rendez-vous concernant la question des ondes sera en juillet sur le vote encore une fois d’un projet de loi du ministre Emmanuel Macron sur la transition énergétique et qui va finaliser l’instauration de la mise en place des compteurs Linky.

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