Les médias canadiens passent à côté du Phonegate

Vous avez sûrement entendu parler du scandale du Dieselgate, où le constructeur Volkswagen a été pris la main dans le sac en train de falsifier durant des décennies les niveaux d’émission en carbone de ses véhicules. Pendant que ça faisait les gros titres à travers le monde, un scandale similaire nommé Phonegate n’a été repris que par les médias européens. L’instigateur de cette campagne afin d’alerter sur cette affaire est le médecin français Marc Arazi.

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Les smartphones ne sont pas si intelligents quand l’on considère les risques sanitaires

« L’information avait été révélée en juillet 2016 dans un rapport scientifique intitulé « Exposition aux radiofréquences et santé des enfants » publié par l’agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) » et dont le Dr. Arazi l’avait publié sur son blog à l’époque. « Le rapport de l’ANSES avait mis en lumière les résultats de l’agence nationale des fréquences (ANFR) sur des mesures de 95 téléphones portables qui avaient été testés à même le corps, sans distance de séparation. L’ANSES avait indiqué que 9 téléphones sur 10 testés en contact avec la peau excédaient les normes réglementaires de 2 W/Kg, certains d’entre eux la dépassaient de plus de 3 fois. Personne ne prêta attention à ces révélations ».[1] Le Dr. Arazi entreprit la mise en place d’un groupe de travail autour d’une page Facebook sur le Phonegate dans l’espoir de forcer les régulateurs de réexaminer et de revoir les normes d’expositions sur les radiofréquences.

L’année dernière, dans deux conférences scientifiques au Colorado et en Israël, le Dr. Anthony Miller déclare que les recherches scientifiques sur les radiations issues des radiofréquences ont atteint un consensus sur les risques liés aux technologies sans fil. Le groupe de médecins « Physicians for Safe Technology » ont annoncé en 2017 qu’ « il semble que nous en sommes au même point d’émergence scientifique qu’au début des reconnaissances des impacts sanitaires du tabac, de l’amiante, de la poussière de charbon ou du plomb ».[2] C’est comparable au tabac dans les années 1950, quand il y avait assez d’études scientifiques cumulées pour démontrer un lien entre le tabagisme et le cancer du poumon. Bien sûr, à travers une politique de lobbying et de la propagande commerciale, l’industrie du tabac a fait en sorte de retarder la publication d’avertissements concernant les risques de cancer sur leurs produits pendant près de 3 décennies.

Selon le docteur Miller, il y a assez de données scientifiques afin de mettre l’industrie des télécommunications dans la même position. « Le Dr. Miller conclut que la quantité de preuve a encore augmenté depuis que l’organisation mondiale de la santé pour la recherche sur le cancer (CIRC) a classifié en 2011 les radiofréquences comme cancérogène possible pour l’homme (2B). Les preuves actuelles en 2017 nous laissent penser que ces radiations pourraient être considérées comme probablement cancérogènes pour l’homme (2A) et que le public devrait prendre des mesures de précaution afin de réduire son exposition ».[3] Pour l’heure, les radiofréquences restent dans la classification 2B comme ‘cancérogène possible’. Les scientifiques comme le Dr. Olle Johanson et le Dr. Lennart Hardell n’ont pas cessé de réclamer pendant des années à ce qu’elles soient dans la classification 1, ‘cancérogène certain’ et le Dr. Miller est en accord avec cette position, les micro-ondes de type RF « remplissent tous les critères pour être classifiées dans le groupe 1 comme agent ‘cancérogène pour l’homme’, en se fondant notamment sur les preuves scientifiques qui lient l’exposition aux radiofréquences au développement et à la promotion de cancers ».[4]

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Le médecin français Marc Arazi à la tête de la taskforce sur le Phonegate

Si ce n’est que nous sommes confrontés à un très gros morceau. En effet, Les télécommunications sont une industrie multimilliardaire globalisée qui rivalise maintenant avec la Big Pharma et l’industrie pétrolière du point de vue du pouvoir économique (et par conséquent politique). Les médias sont largement dépendants des revenues publicitaires provenant des télécoms, et naturellement, ne vont pas mordre la main qui les nourrit. A travers plusieurs groupes de lobbying comme la « Cellular Telecommunications Industry Association » (CTIA), l’industrie exerce d’énormes pressions sur les régulateurs comme l’agence américaine des communications, la FCC (Commission fédérale des communications) et l’agence sanitaire du Canada afin de mettre en place des normes peu contraignantes, allant même jusqu’à écrire les lois qui régulent les émissions. La tactique habituelle est d’infiltrer les commissions des organismes de régulation comme l’IARC avec des anciens « consultants » de cette industrie. A l’image de la commission de révision de la supposé indépendante Société royale du Canada qui entre 2013 et 2014 était tellement criblée de conflits d’intérêts que son président a été contraint de démissionner.[5] Et ce n’était pas le seul de cette commission à avoir des liens avec l’industrie. C’est une tactique classique déjà éprouvée que ça soit pour la question du tabac, de l’amiante, des médicaments et maintenant pour les technologies sans fil: infiltrer et influencer les commissions, faire pencher les gouvernements vers votre opinion, et faire valoir à chaque fois que les produits sont « sans risque » en faisant référence aux normes de sécurité gouvernementale. En finissant par insister sur le fait que les données scientifiques ne sont « pas concluantes » comme ça a été fait pour la question du changement climatique.

Après une longue bataille avec la CTIA, le département de santé publique californien (CDPH) a publié ses premières recommandations afin de réduire son exposition aux radiations de type radiofréquences provenant du téléphone portable le 13 décembre 2017. C’est la première agence de sécurité sanitaire nord-américaine qui a finalement pris en compte l’émergence des preuves scientifiques d’un effet potentiel délétère lié à l’utilisation des appareils utilisant des technologies sans fil.[6]

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Le docteur Olle Johansson pionnier de la recherche sur les micro-ondes

Ce que démontre le scandale du Phonegate, c’est que nos normes d’évaluation définies pour écarter le risque ne sont ni plus ni moins qu’une vaste blague. Les mesures du DAS (le débit d’absorption spécifique) qui sont utilisées à l’heure actuelle ont fait longtemps l’objet de critiques comme quoi elles n’étaient pas fiables et non réalistes. Même le laboratoire américain le plus à la pointe, qui a été visité par la journaliste Wendy Meslay de CBC, utilise encore une méthodologie discutable qui consiste à utiliser la tête d’un mannequin en plastique rempli d’eau afin de déterminer les niveaux d’exposition du DAS.[7] En novembre 2017, les docteurs Dimitris J. Panagopoulos, OLLE Jonhanson et Georges L. Carlo ont publié un article scientifique qui critique le DAS et qu’il le considère comme « une méthode totalement inadéquate pour faire des mesures de dosimétrie de champs électromagnétiques et évaluer la bioactivité ».[8] Le Docteur Arazi a démontré l’absurdité de ces mesures : « Avant juin 2016 et dans l’ensemble des pays européens dont la France, il était possible pour un industriel de mesurer les valeurs du DAS en plaçant un téléphone à une distance comprise entre 15 à 25 mm de la peau, du tronc et des membres. Dans ces conditions peu réalistes, tous les téléphones ont obtenu l’autorisation de mise sur le marché. Il est évident que les téléphones portables ne lévitent pas dans l’air mais sont tenus dans les mains, placés dans les poches, souvent durant des durées de plusieurs heures et directement en contact avec la peau ».[9]

Nous allons donc à marche forcée vers une crise sanitaire massive et aucune de nos autorités de santé, ni les professionnels ne sont informés de la situation. Un neurochirurgien interviewé par Wendy Meslay avait admis qu’il n’y avait pas vraiment de suivi solide des statistiques des tumeurs cérébrales. Les agences sur le cancer, que ça soit au Canada ou aux États-Unis, s’appuient régulièrement sur les télécoms pour informer le public sur les recommandations de sécurité. Heureusement, il existe à travers le monde des scientifiques et des médecins comme le docteur Arazi qui lance des signaux d’alarme, qui font des recherches impartiales ou qui ratisse des milliers d’études scientifiques disponibles afin de rapporter des données pertinentes. J’ai justement interviewé ce dernier par mail avec l’aide d’un traducteur vivant (et pas celui de Google).

@+ Jay

Source : Phonegate scandal goes unreported in Canadian media

Références :

[1] ‘Phonegate: The Health and Industrial Issues of a Global Scandal,’ Dr. Marc Arazi, December 17, 2017. http://arazi.fr/wp2/2017/12/phonegate-the-health-and-industrial-issues-of-a-global-scandal/
[2] ‘Wireless Technology and Public Health,’ Executive Summary, Physicians for Safe Technology, https://mdsafetech.org
[3] ‘Cell Phone Radiation Is Likely A Human Carcinogen,’ Dr. Anthony Miller, Environmental Health Trust, https://ehtrust.org/dr-anthony-miller-cell-phone-radiation-is-likely-a-human-carcinogen/
[4] ‘Cancer Expert Declares Cell Phone and Wireless Radiation as Carcinogenic to Humans,’ EM Facts Consultancy, August 18, 2017. https://www.emfacts.com/2017/08/cancer-expert-declares-cell-phone-and-wireless-radiation-as-carcinogenic-to-humans/
[5] ‘Controversy dogs wireless health panel,’ Howard Solomon, IT World Canada, August 1, 2013. https://www.itworldcanada.com/article/controversy-dogs-wireless-health-panel/83916
[6] ‘California Department of Public Health Leads in Recommendations for Cell Phone Radiation Protection,’ Physicians for Safe Technology, December 16, 2017. https://mdsafetech.org/2017/12/16/california-department-of-public-health-leads-in-recommendations-for-cell-phone-radiation-protection/
[7] ‘The Secret Inside Your Phone,’ Wendy Mesley, CBC Marketplace, March 24, 2017, http://www.cbc.ca/marketplace/episodes/2015-2016/the-secret-inside-your-phone
[8] ‘Scientists call for cell phone tests to ‘get real’, claiming simulated results grossly misleading,’ Nya Dagbladet, Sweden, November 2, 2017. https://nyadagbladet.se/vetenskap/scientists-call-cell-phone-tests-get-real-claiming-simulated-results-grossly-misleading/

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