Selon John Bucher, l’ancien directeur associé du programme National de Toxicologie U.S. (NTP), « Nous pensons que le lien entre les radiations appartenant au spectre des radiofréquences (RF) et les tumeurs chez les rats mâles est réel ».
Cette annonce fait suite à la publication du rapport final du NTP sur les études chez les rats et les souris exposés aux radiations des téléphones portables. Le projet de John Bucher, le plus important dans l’histoire du NTP, a coûté la bagatelle de 30 millions de dollars et il a fallu une période de plus de 10 ans afin de le finaliser.
Le NTP a constaté ce qu’il considère comme « une preuve évidente » que deux types de signaux utilisés pour le portable, le GSM et le CDMA, augmentent l’incidence de tumeurs malignes au niveau du cœur des rats mâles au cours d’une expérimentation chez l’animal de 2 ans. Une incidence plus importante de tumeurs au cerveau et au niveau des glandes surrénales a aussi été remarquée, mais ces associations ont été jugées trop faible.
Ron Melnick indiqua à Microwave News : « Le NTP nous a démontré un résultat que personne ne pouvait penser être imaginable avant le démarrage du projet ». « On a toujours présumé que les radiofréquences ne pouvaient pas provoquer le cancer, maintenant nous savons que c’est faux ». Ron Melnik était le chef de projet de l’équipe qui a élaboré le protocole de cette étude scientifique. Depuis 2009, il n’est plus actif au sein du NTP, après près de 30 ans d’exercice dans les équipes scientifiques.
Schwannomes et Gliomes
Si on rentre dans les détails, les résultats du NTP sont particulièrement cohérents avec d’autres expérimentations animales et l’ensemble des études épidémiologiques sur les utilisateurs de portables.
Les tumeurs du cœur des rats se sont développées à partir des cellules de Schwann aussi connu sous le nom de Schwannome. Les cellules de Schwann produisent les gaines de myéline qui ont pour fonction d’isoler les fibres nerveuses et d’aider à la conduction des impulsions électriques. C’est un composant clé du système nerveux périphérique et peut être retrouvé dans différents organes du corps, que ça soit chez la souris, les rats ou l’humain.
Les schwannomes sont très rares et il n’y a eu aucun cas dans le groupe contrôle chez les rats. Ces tumeurs malignes au niveau du cœur ont été aussi trouvées dans une large étude scientifique sur le rat qui a été publié un peu plus tôt cette année (voir aussi: plus qu’une coïncidence). Cette dernière a été réalisée au sein de l’institut Ramazzini à Bologne en Italie.
Les tumeurs du nerf acoustique, qui connecte l’oreille interne au cerveau, sont appelées neurinomes acoustiques. elles aussi, trouvent leur origine dans les cellules de Schwann et sont aussi connues sous le nom de Schwannome vestibulaire. Un taux plus important de neurinome acoustique a été constaté dans les études épidémiologiques sur les utilisateurs de téléphone portable sur le long terme.
Les tumeurs dans les cerveaux des rats exposés se sont développées à partir des cellules gliales et sont aussi connues sous le nom de gliome. Les cellules gliales sont assez proches des cellules de Schwann, comme le note le NTP dans son rapport final sur l’étude qui portait sur les rats.
« Les schwannomes observés au niveau du cœur et les gliomes malins au niveau du cerveau surviennent sur des cellules qui ont des fonctions similaires. Les cellules de Schwann sont classées comme cellules gliales du système nerveux périphérique ».
Les gliomes ont été aussi rapportés chez les utilisateurs intensifs de téléphone portable, que ça dans l’étude Interphone, et des études épidémiologiques française (NDLR : CERENAT) et suédoise.
Sous pression, le NTP fait la girouette
La vision du professeur Bucher sur le risque de cancer lié aux radiations de type radiofréquences semble tourner en rond. Il y a 2 ans, lui et Linda Birnbaum, la responsable du NTP, ont publié un rapport intermédiaire sur l’étude chez le rat. Ils l’ont fait car d’après eux, les résultats étaient cohérents avec les études épidémiologiques. « Nous pensions que c’était important que cela sorte, » indiqua John Bucher dans une conférence de presse en mai 2016 ( voir : Étude du NTP : les ondes du portable génotoxiques ?). Ce professeur officie comme scientifique senior au sein du NTP.
Mais en février dernier, Le professeur Bucher a fait marche arrière et a minimisé ses propres résultats, il déclara que la question de l’usage du téléphone portable n’était pas « une situation à haut risque« . Ce retournement de veste a été sujet à spéculation mais n’a jamais été élucidé. (Voir aussi : qu’est-ce qui a changé au sein du NTP ? EN)
Le mois qui suivit, un panel de pathologistes invités dans le cadre d’une évaluation collégiale a conclu que le lien entre les radiofréquences et le cancer était plus significatif que ce que reconnaissait le NTP. Le panel a recommandé que 7 des évaluations soient reconsidérées, et de fait, conseilla le NTP de revenir à ses premières conclusions. (Voir : “‘des preuves évidentes’ du risque de cancer lié au portable, selon un panel de pathologistes” EN).
Ce que fit le NTP en acceptant les recommandations du panel et revint à la position d’il y a deux ans.
Et après ?
Un autre élément des résultats du NTP qui vient rajouter de la cohérence à un schéma plus global , ce sont les cassures de brin d’ADN constatées dans les cerveaux des rats exposés. Cet aspect doit être répliqué selon le professeur Bucher. Dans une présentation d’un article scientifique par le NTP au sein d’une convention portant sur la toxicologie génétique le mois dernier, celui-ci indiquait que les radiations du portable pouvaient amener à des dommages ADN quantifiables.
Des officiels du Japon et en Corée sont en train de planifier leurs propres études similaires à celle du NTP, mais à une échelle beaucoup plus petite, certainement ne portant que sur des rats mâles.
La FDA (Food and drug administration) et la FCC (Commission fédérale des communications) ont été mises au courant des conclusions définitives du NTP selon le professeur Bucher. Ces deux agences fédérales sont en charge de la régulation de l’exposition aux radiofréquences. (C’est la FDA qui avait commandité l’étude du NTP en 1999). À l’heure actuelle, aucune des deux agences n’a montré un signe de changement de politique afin d’alerter sur les risques sanitaires possibles de cette technologie. Elles sont restées toutes deux muettes lors de la publication intermédiaire des résultats du NTP et malgré les préoccupations qui ont été exprimées sur les implications que cela pourrait avoir sur la santé publique.
Même après que le professeur Bucher ait minimisé le risque de cancer, c’était encore trop pour la FDA. Jeffrey Shuren, le directeur du CDRH (Center for Devices and Radiological Health), une branche de la FDA, a émis une déclaration selon laquelle les résultats du NTP sont « ambigus » et « équivoques ». Pour lui, l’agence n’a pas vu de « preuve suffisante » d’un quelconque effet sanitaire chez l’homme et donc ne voyait pas l’intérêt de revoir les limites d’exposition actuelles.
Ron Melnick souhaiterait voir bouger les choses. « C’est l’heure pour la FCC et la FDA d’informer le public que les radiations du téléphone portable pourraient causer le cancer ».
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Copie de l’étude du NTP sur le rat, sur la souris.
Voir aussi la fiche d’information et le communiqué de presse.
@+ Jay
Source : Microwave News – Cell Phone Radiation Leads to Cancer, Says U.S. NTP in Final Report
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