Dans le domaine de la politique, il y a un sport assez répandu qui est le renvoi de la patate chaude, tellement répandu que l’on se demande comment se fait-il que ça n’est pas encore devenu un sport national.
À l’occasion de la loi santé qui est en cours de seconde lecture au Sénat jusqu’à fin septembre, nous allons assister à une belle performance de la part de notre ministre de la santé, Marisol Touraine et de nos chers sénateurs.
À noter que le premier lancé de patate chaude quant à la problématique des ondes avait été initié par le ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, durant le vote au sénat de la loi macron 1 sur les discussions autour de l’amendement N° 455, qui visait à supprimer l’article 33 septies D sur l’éradication des zones blanches.
Pour le ministre Emmanuel Macron, ce problème n’est pas un problème d’ordre économique mais un problème de santé publique, en conséquence de quoi une demande de retrait avait été demandée et obtenue de la part du Sénateur écologiste Jean Desessard en avril dernier.
Extrait du compte rendu analytique (P.3866) :
Emmanuel Macron : Je partage donc la préoccupation exprimée. Ce n’est pas parce que toutes les réponses n’ont pas encore été apportées sur le plan scientifique que la problématique est mineure, et nous devons veiller à la traiter sur le plan de la santé publique. Tel est, en tout cas, l’engagement que je voulais porter à la suite de l’intervention de M. Jean Desessard.
Une fois n’est pas coutume, nous retrouvons en seconde lecture de la loi santé l’amendement 971, déposé par le groupe écologiste qui vise à créer un article sur l’instauration de zones d’expérimentations où le rayonnement électromagnétique serait limité durant une période de deux ans.
Et comme d’habitude, l’amendement a été attaqué, dans un premier temps par la co-rapporteur de la loi, Elisabeth Doineau, qui nous parle encore de la peur des antennes et que les électrosensibles auraient trouvé une réponse satisfaisante (pardon ?). Elle finira par indiquer qu’il faut attendre le rapport de l’ANSES dans le cadre du PNR environnement-santé pour 2015, un beau renvoie de patate en somme 🙂 .
La ministre de la Santé, dans un premier temps, va évoquer que le lien de causalité entre les ondes et les symptômes n’est pas établi. Et encore une fois on va avoir un beau drop vers un autre rapport de l’ANSES, celui sur l’électro-hypersensibilité, qui avait été imposé par la loi Abeille et devra être rendu en début d’année 2016. Du coup cet amendement connaîtra le même sort que les précédents : retiré.
Extrait du compte rendu analytique
Mme Marisol Touraine, ministre. – Scientifiquement, le lien entre l’exposition aux ondes et les symptômes associés à l’électro-hypersensibilité n’a pas été établi. Toutefois, nous avons le devoir d’entendre ceux qui nous parlent des troubles qui les affectent. L’Anses nous aidera à progresser, un rapport sera rendu au Parlement début 2016.
Un autre amendement va concerner la question des ondes électromagnétiques et de leurs effets sanitaires, le numéro 979. Il devait insérer un article qui vise à dédier 1 % du budget de l’État à la recherche sur la santé environnementale. En effet, il existe certaines études qui mettent en évidence des liens statistiques entre certains cancers (tumeurs/leucémies) et les technologies qui émettent des ondes, et il n’y a toujours pas de réponse scientifique quant à la causalité.
Pour le président de la commission, Alain Milon, il « ne conteste la nécessité de financer la recherche » mais le contexte budgétaire ne s’y prête pas. Pas de solution alternative, le sénateur demande le retrait pur et simple de l’amendement.
Marisol Touraine va concéder qu’il faut augmenter les fonds publiques alloués à la recherche mais cela relève de la loi de Finances et elle veille à « ne pas insérer de dispositions financières dans des lois ordinaires » (c’est ballot). Elle aura donc un avis défavorable, l’amendement sera retiré, et une autre patate chaude renvoyée 🙂
Extrait du compte rendu analytique
Mme Marisol Touraine, ministre. – Oui, les crédits de la recherche en la matière devraient être augmentés. Mais cela relève de la loi de finances : on veille aujourd’hui à ne pas insérer de dispositions financières dans des lois ordinaires. Avis défavorable, sans me prononcer sur le fond.
Ce qu’il y a d’intéressant dans le jeu de la patate chaude, c’est que de toute façon il y aura un perdant et en général c’est le dernier qui a la patate qui perd. Dans le domaine des ondes, il y a de grandes chances que ça soit l’ANSES le dindon de la farce mais pas de panique, un petit changement de nom, on fait sauter quelques fusibles qui seront remplacés par d’autres boucs émissaires et ça sera « business as usual ». Quant aux politiques, de manière générale, ils auront toujours le beau rôle et ne seront jamais inquiétés par la justice, même dans l’éventualité où ils auraient participé à la mise en place d’un contexte menant à un drame sanitaire. Voilà la réalité de la politique du pays des droits de l’homme, tout y est assez compartimenté pour que personne ne trinque sauf les victimes.
@+ Jay
Source : compte rendu analytique du 17/09